Sous les conseils d’un ami, j’amenai quelques tableaux à un galeriste. Il observa attentivement mon travail, puis déclara :
— Vous voyez, le bourgeois, qui est bien évidemment votre principale clientèle, rentre exténué d’une dure journée de travail. Eh bien, il a besoin de voir des choses qui reposent. Votre art est trop agressif.
Je le remerciai pour ses conseils tout en lui avouant que je ne les suivrais pas, car ma clientèle était peut-être plutôt celle du rentier oisif, celui qui a besoin d’être secoué…
Alors que je commençais à remballer mes tableaux, le galeriste me proposa son aide. Je le remerciai, lui assurant que ce n’était pas nécessaire. Il me tendit Mister Grrrrr ; je le saisis, et nous nous retrouvâmes à le tenir ensemble.
J’exerçai une légère traction, mais sentis une résistance. Je tirai alors un peu plus fort. Le galeriste lâcha prise, et sa main droite heurta violemment le coin d’une table, subissant une légère coupure. Une goutte de sang tomba sur le bas du tableau…
À l’image des fétiches à clous de la République Démocratique du Congo, Mister Grrrrr arbore depuis ce jour une charge magique.